La présence des Juifs en France est bimillénaire. L’histoire de leur rejet suit également un cours long et tumultueux, nourri de multiples ramifications. Cette suite d'articles a pour objectif de proposer une - modeste - synthèse de l’ensemble des enjeux et des clés de compréhension pour appréhender un phénomène aussi large que dense. Pour cela, Histoire d’en Parler vous propose une sorte de dictionnaire chronologique, qui vous permet de naviguer dans les eaux troubles de l’antisémitisme. Aujourd'hui, la deuxième partie consacrée à la tentative de normalisation de la présence des Juifs en France dans les différents régimes politiques, de la Révolution à la fin du Second Empire.
Assimilationnisme : il s’agit d’une doctrine politique supposant l’abandon de la culture d’origine pour se fondre dans la nation française. Dans un discours de décembre 1789, le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre prononce les propos résumant cette conception : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus. Il faut qu'ils ne fassent dans l'État ni un corps politique ni un ordre. Il faut qu'ils soient individuellement citoyens ».
Conversions et prosélytisme chrétien : à partir des années 1830 et jusqu'à la fin du XIXe siècle, des membres du clergé catholique déploient une ardeur particulière à convertir des membres des communautés juives (et protestantes), c'est-à-dire à les faire adopter une nouvelle croyance. Certains de ces changements de religion sont volontaires, d'autres sont pratiqués auprès de publics plus vulnérables, à l'exemple des enfants, des malades et des mourants en milieu hospitalier et carcéral. Le renoncement à une religion, appelé apostasie, est considéré comme grave dans la tradition juive.
Décret infâme : quelques années après le Concordat (1801) reconnaissant le culte catholique comme “religion de la grande majorité des Français”, l’intégration des Juifs demeure problématique en France. Des discriminations et violences s’exercent contre les Juifs de l’Est, en particulier en Alsace, pour des raisons classiquement financières. En 1806-1808, des décrets signés par l’empereur Napoléon Ier visent à réglementer le culte juif et la vie sociale de ces communautés. Ciblant spécifiquement les Juifs de l’Est, le “décret infâme” est le surnom de celui institué le 17 mars 1808, en raison du caractère arbitraire de nombreuses dispositions.
Édit de Versailles : en 1787, le roi Louis XVI signe un édit de tolérance reconnaissant un statut juridique pour les protestants et les Juifs. Il rompt avec l’édit promulgué par Louis XIV en 1685. À la fin des années 1780, il existe deux communautés juives de provenances diverses. On estime environ à 5 000 le nombre de séfarades (originaires de la péninsule ibérique) implantés surtout dans le sud-ouest, et à 30 000 le nombre d’ashkénazes, originaires d’Europe centrale et orientale.
Émancipation au début de la Révolution française : dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 4 août 1789, l’Assemblée constituante reconnaît le droit à la liberté de conscience. Les Juifs du Sud de la France sont reconnus citoyens dès le décret du 28 janvier 1790. Cependant, la reconnaissance de la citoyenneté française aux Juifs de l’Est est retardée en raison de leur "non-assimilation", et doit attendre la loi du 21 novembre 1791, impulsée par Adrien Duport et l’abbé Grégoire.
Grand Sanhédrin : dans sa volonté de réglementer le culte juif, en 1806, l’empereur Napoléon Ier suscite la création d’une institution réunissant 71 rabbins. Il reprend le terme de l’assemblée législative traditionnelle d’Israël avant de créer le Consistoire central israélite de France, instance visant à administrer le culte juif sur le modèle des deux autres religions officielles (catholique et protestante). Les pays sous domination napoléonienne connaissent ainsi une reconnaissance de la liberté pour les Juifs - exception faite des Juifs d’Alsace et de Lorraine. Les puissances européennes s’indignent de cette doctrine relative aux Juifs et les premières politiques favorables à leur égard se déploient quinze ans après la bataille de Waterloo.
Juif errant : il s’agit d’une figure mythique des récits populaires. Condamné à vivre jusqu’au Jugement Dernier pour avoir refusé d’assister le Christ, ce personnage connaît un succès littéraire considérable au XIXe siècle, repris entre autres par Edgar Quinet, Eugène Sue et Guillaume Apollinaire.
Loi du 8 février 1831 : elle admet le culte israélite au nombre des cultes reconnus par l'État, de même que le catholicisme et le protestantisme. Ainsi, les ministres du culte israélite sont reconnus et pris en charge par l'État. Cette loi d'égalité permet un développement de la communauté juive alors qu'en 1830, le nombre de pratiquants de la religion est estimé à moins de 100 000 personnes.
Serment more judaico : ce serment “d’après la coutume juive” est une forme spéciale d’engagement solennel lors d’un témoignage judiciaire. Suivant des principes humiliants et vexatoires, cette pratique présente dès l’Ancien Régime est supprimée sous la Révolution avant d’être rétablie par Napoléon Bonaparte. L’avocat juif Adolphe Crémieux obtient son abolition suite à plusieurs affaires judiciaires, entre 1827 et 1846.
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