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Louis XIV : la danse, c’est lui ! - La danse au service de l’absolutisme

Salomé RÉGENT

La danse, aujourd'hui perçue comme une forme d'expression généralement artistique a pourtant vu ses origines profondément ancrées dans le service du pouvoir politique. Si nous imaginons aujourd’hui une scène où un dirigeant utilise la danse comme moyen de gouverner, cela nous paraîtrait bien étrange, voire inconcevable. Et pourtant, sous le règne de Louis XIV, la danse était bien plus qu'un simple divertissement : elle était un outil de légitimation, un moyen de faire assoir l’autorité royale et de manipuler les symboles de la monarchie absolue. Le roi ne se contentait pas de régner sur ses sujets, il régnait aussi sur la scène politique au moyen de la danse.


Ballet royal de la Nuit - Louis XIV en Apollon, anonyme, Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica, vers 1653.
Ballet royal de la Nuit - Louis XIV en Apollon, anonyme, Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica, vers 1653.

En effet, sous le règne de Louis XIV, la danse ne se contenta pas d’être un simple divertissement ou un art de cour. Elle devint un outil stratégique au service de l’absolutisme royal. En cultivant cette discipline avec un soin particulier, le Roi Soleil utilisa la danse comme un moyen de renforcer son pouvoir et de symboliser l’autorité incontestée de son règne. Il n’était pas simplement un souverain, mais un acteur majeur de la scène, incarnant son pouvoir jusque et par des représentations artistiques. C’est dans ce cadre que le Ballet Royal de la Nuit (1653), une performance emblématique, prit toute son importance.


La danse comme miroir du pouvoir absolu


Louis XIV, passionné de danse depuis son enfance, sut faire de cette discipline un exercice de son pouvoir. Il comprenait qu'à travers la danse, il pouvait non seulement séduire et impressionner ses courtisans, mais aussi diffuser son image de monarque tout-puissant. On peut d’ailleurs rappeler la devise artistique du XVIIe siècle : placere et docere (« Plaire et instruire »).


La danse, par sa rigueur et sa noblesse, devenait un moyen de maintenir la hiérarchie et de signifier, au-delà des mots, l'ordre strict du royaume. L'art de la danse était codifié de manière à mettre en valeur l’autorité du roi et sa supériorité sur les autres. La scène de danse, au sein du ballet, devenait un véritable théâtre politique où la majesté royale et la discipline du corps servaient de métaphore à la grandeur du royaume.


Un des moments les plus marquants de cette utilisation de la danse au service de l’absolutisme fut la création du Ballet Royal de la Nuit, en 1653. Cet événement grandiose, qui se déroula le temps de toute la nuit, avait un but précis : affirmer le pouvoir de Louis XIV. Dans cette pièce, alors qu’il n’avait encore que quatorze ans, Louis XIV joua le rôle d’Apollon, une figure centrale symbolisant la lumière et la puissance, éclipsant littéralement ses adversaires et soulignant l'idée qu'il était la source de tout pouvoir et de toute gloire. Ce ballet servit à légitimer son autorité et à marquer l’ascension de Louis XIV en tant que roi absolu, maître de la cour et de l'État.


Le Ballet Royal de la Nuit et sa symbolique


Le Roy soleil - Le ballet de la nuit, Maurice Leloir et Gustave Toudouze, 1931.
Le Roy soleil - Le ballet de la nuit, Maurice Leloir et Gustave Toudouze, 1931.

Le Ballet Royal de la Nuit, véritable chef-d'œuvre de la période baroque, fut une des premières grandes démonstrations de l’importance que Louis XIV accordait à la danse dans son projet de monarchie absolue. La performance se déroula au Palais du Louvre et se divisa en plusieurs scènes représentant des personnages mythologiques et des éléments naturels. Le ballet donnait ainsi l’image d’un roi solaire, rayonnant, dispensateur de la lumière et de la gloire de son royaume, et sans égal. Il s’agissait de plus qu’un spectacle : d’un acte politique visible qui consacrait le rôle central de Louis XIV dans l’univers qu’il régnait, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent, profondément marqué par la Fronde.


Ce ballet révéla également la nature de la cour de Louis XIV : une cour où chacun était dansé, gouverné et mis en scène selon la volonté du roi, et où l'ordre était imposé à la fois dans la danse et dans la vie politique. Chaque mouvement, chaque pas était rigoureusement contrôlé, à l’image de l’autorité monarchique.


Le roi danse : une reconstitution cinématographique


Cette période de l’histoire de Louis XIV et de l’émergence de sa passion pour la danse est représentée dans le film "Le Roi danse" (2000), réalisé par Gérard Corbiau. Le film met en effet en lumière la relation entre Louis XIV et le compositeur Jean-Baptiste Lully, ainsi que leur collaboration autour du Ballet Royal de la Nuit.


Le roi danse, Gérard Corbiau, 2000
Le roi danse, Gérard Corbiau, 2000.

Dans une scène mémorable du film, l’acteur qui incarne Louis XIV, Benoît Magimel, prend place sur scène et joue le rôle d’Apollon, incarnant ce roi conquérant, lumineux et irrésistible. À travers le regard du jeune roi, on perçoit l’orgueil de Louis XIV, mais aussi son désir de contrôler et de dominer à la fois ses sujets et les arts. La danse devient un acte de représentation de soi, un moyen pour le roi de se placer au sommet de l'univers symbolique qu'il gouverne, tout en affirmant l’ordre et la discipline qu’il impose à ses courtisans. Le film illustre avec force la manière dont Louis XIV a intégré la danse dans son jeu politique, en tant qu’outil de communication de son pouvoir absolu.


Voici un extrait du film Le roi danse où l’on voit Louis XIV dans le rôle d’Apollon (de 10:17 à 13:30) que vous pouvez consulter pour plonger dans l’ambiance qui pouvait régner lors de la représentation de ce ballet de cour :


« Puissance, plaisir, lumière »

Ainsi, sous Louis XIV, la danse ne se contentait pas d’être un simple art : elle était un moyen de légitimation du pouvoir royal, une métaphore vivante du contrôle absolu qu’il exerçait sur son royaume. Le Ballet Royal de la Nuit fut l’illustration parfaite de cette alliance entre le divertissement et la politique, entre le jeu théâtral et la réalité du pouvoir. Dans cette grande mise en scène, Louis XIV devint non seulement le roi de la France, mais aussi celui de la scène, un monarque total qui gouvernait à la fois le royaume et l’art.

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