Femmes combattantes et mystiques : les “autres Jeanne d’Arc” dans l’Histoire
- Pierre SUAIRE
- 3 août
- 20 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 août
Il y a quelques semaines, alors que je travaillais à la maison natale de Jeanne d'Arc à Domremy-la-Pucelle, un visiteur angolais a écrit un message dans le livre d'or du site, honorant la mémoire de Jeanne et dressant un parallèle avec l'héroïne nationale Kimpa Vita. Intrigué, j'ai parcouru son histoire, puis je me suis mis en recherche des "autres Jeanne d'Arc" dans l'Histoire. J'en ai trouvé une trentaine. Certaines d'entre elles cochent de nombreuses cases caractéristiques de la vie de Jeanne, tandis que d'autres semblent plus éloignées.

Jeanne d'Arc est une figure historique au parcours des plus singuliers. Vers l’âge de treize ans, cette jeune fille pieuse d’origine paysanne reçoit des révélations religieuses, qui l’enjoignent de participer à la guerre. Dans un premier temps, elle craint les conséquences de ce qu’elle éprouve mais elle accepte progressivement l’idée d’être chargée d’une mission d’ordre divin. Elle formule un vœu de virginité, refusant de se marier et de fonder un foyer. Une fois qu’elle se décide à partir pour rencontrer le Dauphin Charles, elle rompt avec sa famille, choisit de porter des habits d’homme, assume de devenir une personnalité publique, auréolée d’un statut de prophétesse ou de mystique. Elle devient une icône de la résistance populaire en endossant un rôle symbolique et militaire significatif dans un conflit, que l’on associe à des enjeux décisifs de libération nationale. Une fois capturée, elle est vendue à l’ennemi anglais, jugée par un tribunal religieux, puis mise à mort pour hérésie. Ce résumé, s’il semble dresser une histoire hors du commun, peut en réalité se transposer dans une grande mesure à de nombreuses personnalités, à différentes époques et dans des contextes sociaux, politiques et culturels variés. Nous vous proposons un tour d’horizon des “autres Jeanne d’Arc”, de leurs ressemblances et de leurs dissemblances, avec une évaluation pas du tout scientifique de leur niveau de "Jeanne d'Arcitude".
Dihya - Afrique du Nord - VIIe siècle - Jeanne d’Arc berbère - ◙◙○

Dihya, également connue sous le surnom de Kahina (la prêtresse ou la devineresse), est la fille d’un chef guerrier de l'Afrique du Nord à la fin du VIIe siècle. Elle mène la résistance contre l'invasion arabe en unifiant les tribus berbères. Elle est connue pour ses dons de voyance et de prédiction, utilise des tactiques militaires audacieuses comme lors de la bataille des chameaux de 698, mais la lutte acharnée conduit à d’intenses destructions. Sa fin est tragique puisqu’elle meurt avant ses trente ans, vaincue au combat ou exécutée, selon les différents récits. Seule femme connue à avoir combattu militairement les Omeyyades, elle est célébrée comme une héroïne de la résistance berbère et comme une précurseure du féminisme.
Mathilde de Canossa - Italie - XIe siècle - Jeanne d’Arc italienne - ◙○○

L’épitaphe de la comtesse Mathilde, née en 1046, célèbre une « femme d'un courage viril, défenseur du Siège apostolique qui, oubliant son sexe, s'égala aux Amazones antiques, menant à la guerre des troupes d'hommes bardés de fer ». D’origine italienne et lorraine, elle hérite d'un vaste territoire en Italie du Nord, qu'elle gère avec sa mère jusqu'à la mort de cette dernière en 1076. Elle est connue pour son rôle crucial lors de la Querelle des Investitures, un conflit majeur entre le pape Grégoire VII et l'empereur Henri IV. Elle offre refuge au pape dans son château de Canossa, où Henri IV vient implorer le pardon du pape dans un épisode célèbre, souvent interprété comme une humiliation pour le pouvoir temporel face au pouvoir spirituel. Mathilde, par son soutien indéfectible à la papauté et par ses combats, devient un symbole de résistance et de dévotion.
Ōhōri Tsuruhime - Japon - XVIe siècle - Jeanne d’Arc de la mer de Seto - ◙◙○

Née en 1526 durant la période Sengoku dans la province d’Iyo, Ōhōri Tsuruhime, littéralement la Princesse Grue, est la fille d’un grand prêtre du sanctuaire Oyamazumi et est formée aux arts martiaux dès son plus jeune âge. À 15 ans, après la mort de son père et de ses frères, elle hérite du rôle de grand prêtre et devient également la dirigeante militaire de la flotte de Mishima. Tsuruhime s'illustre en menant la résistance contre le puissant clan Ōuchi, remportant plusieurs batailles grâce à son courage et ses compétences martiales exceptionnelles. Cependant, selon la légende, sa vie prend une tournure tragique en 1543, lorsqu'elle perd son fiancé au combat et choisit de se suicider par noyade à l'âge de 17 ans. Son héritage perdure à travers des artefacts comme son armure conservée au sanctuaire Oyamazumi et des œuvres culturelles qui ont popularisé son histoire.
María Pita - Espagne - XVIe siècle - Jeanne d’Arc de Galice - ◙○○

Née vers 1565 à Sigrás, María Pita se distingue lors de l’attaque anglaise de La Corogne en 1589. Lors de l’attaque menée par l’amiral Francis Drake, son mari est tué et María Pita, prise de rage, repousse les Anglais de la ville, déstabilisant l'armée ennemie et les forçant à battre en retraite. Elle est devenue un symbole de courage et de résistance. Après la bataille, elle aide à soigner les blessés et à réunir les morts. Elle se marie quatre fois et vit jusqu'à l'âge de 89 ans.
Alena Arzamasskaïa - Russie - XVIIe siècle - Jeanne d’Arc russe - ◙◙◙

Née dans une famille rurale de la région de la Volga au milieu du XVIIe siècle, Alena Arzamasskaïa se distingue au cours de la révolte des paysans (1670-1671). Après un mariage très précoce, elle entre au couvent Nikolaevskii puis en échappe afin de rejoindre les combats égalitaristes menés par le cosaque Stepan Razine contre les hiérarchies et injustices du pouvoir tsariste. Alena Arzamasskaïa prétend être un ataman, un chef militaire, et parvient à commander des centaines de soldats rebelles qui louent son leadership, son intelligence et ses capacités d’archère. Elle soumet la ville forteresse de Temnikov pendant plus de deux mois, avant d’être capturée, puis torturée dans le but de livrer les noms d’autres chefs rebelles. Face à ses refus, elle est condamnée pour brigandage et pour avoir porté l’habit d’homme puis exécutée sur le bûcher.
Kimpa Vita - Angola - XVIIIe siècle - Jeanne d’Arc du Kongo - ◙◙◙

Kimpa Vita, également connue sous le nom chrétien de Dona Beatriz, est une mystique (nganga marinda, considérée comme une médium entre les esprits et les humains) du royaume du Kongo. Vers l'âge de 20 ans, Kimpa Vita a une révélation : saint Antoine lui apparaît en vision et lui ordonne de retrouver le roi Pedro IV et de le ramener à la capitale, Mbanza Kongo, pour unifier le royaume. Elle fonde le mouvement antonianiste, qui appelle à lutter contre l'emprise portugaise et contre l'esclavage, à l’image de la reine Njinga quelques décennies auparavant. Kimpa Vita prône la fierté d'être noir et le retour aux valeurs traditionnelles. Le succès initial de son entreprise, soulevant de nombreux insurgés, suscite l’inquiétude des colons portugais et des élites dirigeantes, qui l’abandonnent et la font condamner pour hérésie et sorcellerie. En 1706, elle est brûlée vive avec le père de son enfant. Elle entre dans l’histoire comme une martyre panafricaniste décoloniale empreinte de mysticisme syncrétique.
Farzana Khanqui - Inde - XVIIIe siècle - Jeanne d’Arc de Sardhana - ◙○○

Farzana Khanqui, née vers 1750 en Inde, devient une figure notable en passant d'une jeune courtisane à une souveraine respectée. Après la mort de son père, elle s'installe à Delhi avec sa mère et apprend l'art de la danse. Elle rencontre Walter Reinhardt, un général, et vit avec lui, adoptant le titre de Bégum Samru. À la mort de Walter, elle prend le contrôle de la principauté de Sardhana et de ses soldats, se distinguant par son courage et son habileté politique. Elle se convertit au catholicisme, baptisée sous le nom Joanna (peut-être en référence à Jeanne d’Arc ?), tout en conservant les coutumes mogholes. Malgré des révoltes de ses troupes et la pression coloniale britannique, elle maintient l'indépendance de sa principauté. Elle développe Sardhana, favorisant les arts et la culture, et meurt en 1836 après 58 ans de règne.
Agustina Domènech - Espagne - XIXe siècle - Jeanne d’Arc espagnole - ◙○○

Pendant le siège de Saragosse de 1808, Agustina Raimunda Maria Saragossa i Domènech devient célèbre pour avoir allumé un canon contre les troupes françaises qui tentaient de prendre la porte du Portillo, sauvant ainsi la ville d'une attaque imminente. Cet acte de bravoure vaut le surnom de "La Artillera" à la jeune femme de 21 ans. Le général José de Palafox l'intègre dans le corps des artilleurs, où elle grimpe les échelons jusqu'au grade de sous-lieutenant. Après la chute de Saragosse, elle est capturée puis libérée lors d'un échange de prisonniers. Contrairement à Jeanne d’Arc, la motivation religieuse n’est pas présente, mais son ardeur militaire a nourri l’opposition à l’envahisseur français.
Juana Azurduy de Padilla - Bolivie - XIXe siècle - Jeanne d’Arc bolivienne - ◙○○

Née en 1780 dans le nord du Potosí, alors partie du Vice-royaume du Río de la Plata, fille d’un propriétaire terrien aisé et d’une métisse, Juana Azurduy apprend très jeune les travaux des champs et les langues quechua et aymara. Devenue orpheline, elle est élevée par ses oncles puis dans des couvents. À 25 ans, elle épouse Manuel Asencio Padilla, avec qui elle a cinq enfants. En 1809, elle rejoint les forces révolutionnaires pour l'indépendance de Chuquisaca (l’actuelle ville de Sucre en Bolivie). Juana se distingue par sa bravoure et est nommée lieutenant-colonel en 1816, alors que son mari meurt au combat. Après la guerre, Simón Bolívar la nomme colonel et lui accorde une pension, ce qui n’empêche pas qu’elle meurt dans la misère en 1862 en Argentine.
Éléonore Prochaska - Allemagne - XIXe siècle - Jeanne d’Arc de Potsdam - ◙◙○

Née en 1785 à Potsdam, Éléonore Prochaska est une femme soldat prussienne célèbre pour son engagement dans l'armée prussienne contre les troupes napoléoniennes pendant la guerre de la Sixième Coalition. Après la mort de sa mère, elle est envoyée dans un orphelinat militaire où elle développe un intérêt pour les affaires de la guerre. En 1813, elle se déguise en homme sous le nom d'August Renz pour s'enrôler dans les Lützowsches Freikorps, servant d'abord comme tambour avant de rejoindre l'infanterie. Elle est gravement blessée lors de la bataille de la Göhrde, révélant ainsi son identité féminine, et meurt de ses blessures quelques semaines plus tard.
Maria Quitéria - Brésil - XIXe siècle - Jeanne d’Arc brésilienne - ◙◙○

Maria Quitéria de Jesus Medeiros est connue pour son rôle dans la guerre d'indépendance du Brésil dans les années 1820. Malgré les restrictions de genre de l'époque, elle s'engage dans l'armée en se déguisant en homme, avec l'aide de sa sœur, pour participer aux combats contre les Portugais. Ses compétences exceptionnelles en tir attirent l'attention de ses supérieurs, qui, après avoir découvert sa véritable identité, lui permettent de continuer à servir en tant que femme. Elle est finalement reconnue et décorée par l’empereur Pierre Ier pour son courage et sa contribution à l'indépendance du Brésil, devenant ainsi une héroïne nationale.
Laskarína Bouboulína - Grèce - XIXe siècle - Jeanne d’Arc grecque - ◙○○

Née en prison à Constantinople, Laskarína Bouboulína lutte toute sa vie contre les Ottomans. Devenue une armatrice fortunée après deux mariages, elle fait construire des navires de guerre et finance depuis l’île de Spetses l’effort de guerre pour l’indépendance grecque. Il est peu approprié de la comparer à Jeanne d’Arc, ce qu’elle réfute elle-même. Néanmoins, son caractère affirmé et son acharnement à repousser les Ottomans en font un symbole de la lutte philhellène. Malgré son engagement et son courage, elle est tuée en 1825 lors d'une vendetta familiale.
Emilia Plater - Pologne - XIXe siècle - Jeanne d’Arc polonaise - ◙◙◙

Née en 1806 dans l’Empire russe à Vilnius, Emilia Plater est issue d’une famille de la noblesse germano-balte. Elle est éduquée dans un esprit romantique et patriotique polonais. À partir de novembre 1830, une puissante insurrection secoue le royaume de Pologne, sous tutelle russe. La comtesse Plater prend Jeanne d’Arc pour modèle et coupe ses cheveux, en adoptant l’habit d’homme. Ensuite, elle réunit des centaines de fantassins, cavaliers et paysans armés pour participer à plusieurs affrontements dans l’actuelle Lituanie. Elle reçoit le grade de capitaine dans les forces insurgées polonaises. Lorsque les forces principales dirigées par le général Dezydery Chłapowski décident de cesser le combat et de se rendre en Prusse, “l’Amazone lituanienne” jure de poursuivre la lutte. Cependant, elle tombe malade et meurt à l’âge de 25 ans.
Lalla Fatma N'Soumer - Algérie - XIXe siècle - Jeanne d’Arc kabyle - ◙◙◙

Surnommée la Jeanne d’Arc du Djurdjura, Lalla Fatma N'Soumer est souvent comparée à la reine guerrière Dihya. Emblématique de la résistance kabyle contre la colonisation française en Algérie, elle se distingue très tôt par son esprit insoumis et son refus des conventions sociales. Née en 1830, date du début de la conquête française de l’Algérie, elle s’engage contre l'occupation vers l’âge de dix-neuf ans, devenant une chef de guerre respectée et une guide spirituelle. Éduquée dans une école théologique soufie, Fatma N'Soumer utilise son éloquence et son intelligence stratégique pour galvaniser la résistance. Après plusieurs victoires notables, dont celle de la bataille du Haut Sebaou en 1854, elle est capturée en 1857 suite à “l’Alésia kabyle” que représente la bataille d’Icheriden et meurt en captivité en 1863. Cent ans plus tard, des combattantes de l’indépendance algérienne héritent également du surnom de Jeanne d’Arc, à l’instar de Djamila Bouhired ou Djamila Boupacha.
Lakshmî Bâî - Inde - XIXe siècle - Jeanne d’Arc indienne - ◙○○

Née en 1828 à Varanasi, Lakshmî Bâî reçoit une éducation qui inclut la lecture, l'écriture, l'équitation et l'escrime, ce qui est inhabituel pour les femmes de son époque. Elle épouse le Maharaja Gangadhar Rao de Jhansi en 1842 et devient ainsi la Rani. À la mort de son mari en 1853, les Britanniques refusent de reconnaître son fils adopté comme héritier légitime et tentent de s'emparer de Jhansi. En réponse, la Reine des Cipayes prend les armes et devient l'une des principales dirigeantes de la révolte de 1857. Elle est célèbre pour sa bravoure et son habileté militaire. Elle meurt au combat en 1858, lors de la défense du fort de Gwalior.
Lozen - États-Unis - XIXe siècle - Jeanne d'Arc Apache - ◙◙○

Lozen, née vers 1840 au sein de la tribu Apache des Chiricahuas, est une combattante et chamane renommée pour son courage et ses compétences au combat. Elle participe activement aux campagnes contre les Mexicains et les colons américains. Réputée pour ses talents de guerrière et ses capacités de prédiction, elle est également connue pour son rôle de chamane, capable de guérir les blessures et de prédire les mouvements ennemis. Elle se distingue particulièrement lors de la fuite de sa tribu à travers le Río Grande, où elle montre un courage exceptionnel. Après la mort de son frère Victorio, elle se joint au chef Nana pour venger sa mort et combat sans relâche pendant deux mois. Elle continue ensuite à combattre aux côtés de Geronimo jusqu'à sa reddition en 1886. Capturée peu après, Lozen est emprisonnée en Alabama où elle meurt de la tuberculose en 1887.
Fukuda Hideko - Japon - XIXe siècle - Jeanne d’Arc japonaise - ◙○○

Fukuda Hideko, née en 1865 au Japon, est une militante féministe de l'ère Meiji. Elle rejoint le Mouvement pour la liberté et les droits du peuple à 17 ans et fonde une école pour filles. Impliquée dans des activités militantes, elle est arrêtée lors de l'« incident d'Osaka » mais continue son combat après sa libération. Elle crée une école technologique pour femmes, publie son autobiographie en 1904 et fonde le mensuel « Seikai Fujin » en 1907 pour promouvoir les droits des femmes. Malgré les difficultés, elle persiste dans son engagement jusqu'à sa mort en 1927.
Qiu Jin - Chine - XXe siècle - Jeanne d’Arc chinoise - ◙◙○

Née sous la dynastie des Qing, Qiu Jin quitte son mari et ses enfants à l'âge de 20 ans pour étudier au Japon. Elle adopte le surnom d’« ennemie des hommes », en revêtant l’habit masculin, en apprenant les arts martiaux et l’usage du sabre. Figure intellectuelle de son temps, Qiu Jin fonde une société et un magazine pour promouvoir l'émancipation des femmes. Engagée dans le mouvement révolutionnaire, elle cherche à renverser les empereurs et à établir une république. Arrêtée avant de pouvoir mener sa rébellion, elle est décapitée en 1907, à environ 30 ans.
Tringë Smajli - Albanie - XXe siècle - Jeanne d’Arc des Balkans - ◙◙○

Tringë Smajli, connue sous le nom de Yanitza en dehors de l’Albanie, est une combattante albanaise qui a lutté contre l'Empire ottoman dans la région de Malësi. Née en 1880, elle est la fille de Smajl Martini, un chef de clan catholique de la tribu Grudë. Après la mort de ses frères dans des combats, elle a juré de ne jamais se marier ni quitter sa maison familiale, tout en continuant à vivre et à agir en tant que femme, portant le costume traditionnel albanais. Elle rejoint les rebelles et se distingue lors de la bataille de Deçiq, participant également au mémorandum de Gërçe en 1911. Elle reste active même après la déclaration d'indépendance de l'Albanie en 1912. Elle meurt en 1917 et est enterrée dans les montagnes de Gruda.
Milunka Savić et Sofija Jovanović - Serbie - XXe siècle - Jeannes d'Arc serbe - ◙○○

Milunka Savić, née en 1890 à Koprivnica en Serbie, est une héroïne de guerre serbe et l'une des femmes les plus décorées de la Première Guerre mondiale. Elle s'engage d'abord dans les guerres balkaniques déguisée en homme, car les femmes n'étaient pas autorisées à combattre dans l'armée serbe. Son identité est révélée en 1913 lorsqu'elle est blessée lors de la bataille de Bregalnica. Pendant la Première Guerre mondiale, elle sert dans le régiment de l'armée serbe Knajz Mihailo, participant à de nombreuses batailles importantes. Après la guerre, elle travaille comme femme de ménage et adopte plusieurs enfants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle aide les membres du mouvement antifasciste. Elle meurt en 1973 à Belgrade et est enterrée dans l'allée des Grands au cimetière de Belgrade.

Sofija Jovanović, née en 1895 à Belgrade, a également combattu lors des guerres balkaniques et de la Première Guerre mondiale. Issue d'une famille modeste, elle rejoint les unités de volontaires Chetnik dès 1908. Sous le nom masculin de Sofronije Jovanović, elle s'engage dans l'armée serbe au début de la Première Guerre mondiale et participe à plusieurs batailles majeures, dont celles de Drina et Kolubara. En 1915, elle combat à Belgrade contre les armées allemande et austro-hongroise, survit à la retraite de l'armée serbe à travers l'Albanie, et participe à la libération de la Serbie en 1918. Elle est blessée pendant la guerre, perd une partie de son pied et devient invalide. Pour son héroïsme, elle reçoit 13 décorations.
Maud Gonne - Irlande - XXe siècle - Jeanne d’Arc irlandaise - ◙○○

Maud Gonne, née en 1866 en Angleterre, est élevée à Paris après la mort de sa mère. À 20 ans, elle retourne en France et s'engage politiquement. Elle utilise son héritage pour lutter contre les injustices en Irlande, où elle s'installe en 1890. Elle milite activement, fonde des refuges, et écrit pour sensibiliser à la cause irlandaise. Elle a une relation avec le poète William Butler Yeats et fonde l'Abbey Theatre. Pendant la Première Guerre mondiale, elle milite contre la conscription des Irlandais et est emprisonnée. Après sa libération, elle continue de défendre les droits des prisonniers républicains.
Sara Aharonson - Empire ottoman - XXe siècle - Jeanne d’Arc juive de Palestine - ◙○○

Née en 1890 à Zikhron Ya’akov en Palestine ottomane, Sara Aharonson est une espionne importante dans la Première Guerre mondiale. Issue d'une famille influente, son rôle au sein du réseau Nili, un groupe de renseignement juif travaillant pour les Britanniques, est décisif. Après avoir été témoin du génocide arménien, elle décide de s'engager activement contre l'Empire ottoman. Sara Aharonson joue un rôle crucial dans la transmission d'informations stratégiques aux Britanniques, malgré les risques élevés. Arrêtée et torturée par les autorités ottomanes en 1917, elle se suicide pour éviter de révéler des informations sensibles.
Aurora Mardiganian - Arménie - XXe siècle - Jeanne d’Arc de l’Arménie - ◙○○

Aurora Mardiganian, née Archaluys Martikian en 1901, est une survivante du génocide arménien de 1915. Issue d'une famille aisée de la ville de Chmshkatsag, elle est témoin des atrocités commises contre les Arméniens, perdant plusieurs membres de sa famille et étant elle-même capturée et vendue comme esclave. Elle parvient à s'échapper et, après un périple de 18 mois à travers les montagnes, elle est recueillie par des missionnaires américains à Erzeroum. Emmenée aux États-Unis, elle publie un livre intitulé "Ravished Armenia" qui connaît un grand succès et est adapté au cinéma en 1919 sous le même nom. Le film, dans lequel elle jouait son propre rôle, est un succès et les bénéfices sont utilisés pour aider les orphelins arméniens.
Ecaterina Teodoroiu - Roumanie - XXe siècle - Jeanne d’Arc de Roumanie - ◙○○

Cătălina Toderoiu ou Ecaterina Teodoroiu, née dans le village de Vădeni en Roumanie, est issue d'une famille d'agriculteurs. Après des études à Bucarest, elle devient enseignante en 1916. Profondément patriote et touchée par la mort de son frère durant la guerre, elle s'engage d'abord comme infirmière avant de devenir soldat en première ligne. Elle se distingue par sa bravoure lors de plusieurs combats, recevant des médailles pour ses actions héroïques. Promue sous-lieutenante, elle commande un peloton et participe activement aux offensives. Le 3 septembre 1917, elle est mortellement blessée lors d'une contre-attaque, laissant derrière elle un héritage de courage et de dévouement.
Yu Gwan-sun - Corée - XXe siècle - Jeanne d’Arc coréenne - ◙○○

Yu Gwan-sun, née en 1902 à Cheonan en Corée, est une figure emblématique de la résistance coréenne contre l'occupation japonaise. Suite à la mort de ses parents, tués par la police japonaise lors du Mouvement du 1er Mars 1919, elle devient une des principales organisatrices de la contestation à seulement 16 ans. Après la fermeture des écoles par le gouvernement japonais, elle retourne dans sa ville natale pour encourager le sentiment nationaliste, distribuant des drapeaux coréens et organisant une marche pacifiste à Cheonan. Arrêtée lors de cette manifestation, elle est torturée en prison mais refuse de dénoncer ses compagnons. Elle meurt en septembre 1920 des suites de ses blessures, à l'âge de 17 ans.
Naziq al-Abid - Syrie - XXe siècle - Jeanne d’Arc du Levant - ◙○○

Née en 1898 à Damas dans une famille aisée d'origine kurde, Naziq al-Abid rejette les inégalités sociales dès son plus jeune âge et se distingue par ses prises de position audacieuses. Après des études à Istanbul, où elle est confrontée à des discriminations, elle retourne en Syrie et commence à écrire des articles contre l'Empire ottoman sous un pseudonyme masculin. Elle fonde des organisations pour les droits des femmes et est exilée à plusieurs reprises pour ses activités militantes. Pendant le mandat français dans les années 1920, elle prend les armes et devient une icône de la résistance syrienne. Exilée au Liban, Naziq al-Abid continue son engagement pour les droits des femmes et des opprimés jusqu'à sa mort en 1959.
Aisin Gioro Xianyu - Chine - XXe siècle - Jeanne d’Arc de Mandchourie - ◙○○

Aisin Gioro Xianyu, également connue sous le nom de Yoshiko Kawashima, est une princesse mandchoue adoptée par un espion japonais et dont la vie est marquée par les controverses. Née en 1907 dans la famille impériale des Qing, elle est élevée au Japon, où elle adopte des comportements et une apparence androgyne. Dans les années 1930, elle est surnommée la Jeanne d'Arc du Mandchoukouo pour son rôle supposé dans la création de cet État fantoche sous contrôle japonais. Décrite comme une espionne, une militaire et une héroïne, la réalité de ses exploits est souvent exagérée ou mythifiée. Capturée par les forces nationalistes chinoises en 1945, elle est exécutée pour trahison en 1948, bien que des doutes persistent sur la véracité des accusations portées contre elle.
Aline Sitoé Diatta - Sénégal - XXe siècle - Jeanne d’Arc du Sénégal - ◙◙◙

La Dame de Kabrousse, Aline Sitoé Diatta, est née vers 1920 au sud du Sénégal. Orpheline de père, elle est élevée par son oncle et quitte son village natal pour travailler à Ziguinchor puis à Dakar. À Dakar, elle entend des voix lui ordonnant de retourner en Casamance pour lutter contre les colons. Elle y mène un mouvement de désobéissance civile contre l’oppression, encourageant les Casamançais à refuser les impôts, la culture des arachides imposée par les Français, et l'enrôlement dans l'armée coloniale. Considérée comme une prophétesse capable de miracles, l’influence grandissante de la guerrière pacifique inquiète l'administration coloniale française, qui l'arrête en 1943. Déportée et emprisonnée dans plusieurs pays, elle meurt en 1944 à Tombouctou, au Mali, des suites de mauvais traitements.
Hannah Szenes - Hongrie - XXe siècle - Jeanne d’Arc juive de Hongrie - ◙◙○

Née en 1921 à Budapest dans une famille juive assimilée, Hannah Szenes émigre à l’âge de 18 ans en Palestine pour rejoindre un kibboutz et s'engager dans le mouvement sioniste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'enrôle comme parachutiste pour une mission britannique visant à sauver des Juifs hongrois de la déportation. Capturée à la frontière hongroise, elle est torturée mais refuse de révéler des informations sur sa mission. Jugée pour trahison, elle est exécutée en 1944 à l'âge de 23 ans. Ses écrits, notamment ses poèmes, sont devenus une partie importante du patrimoine culturel israélien.
Jocelyne Khoueiry - Liban - XXe siècle - Jeanne d’Arc du pays du Cèdre - ◙○○

Jocelyne Khoueiry, chrétienne maronite, combat pendant la guerre civile libanaise (1975-1990). Elle se distingue en participant à la bataille des hôtels, devenant l'une des premières femmes membres de la milice armée des Kataëb (Phalanges libanaises). Elle commande plus de 1 000 combattants et forme une partie de ses effectifs. Pendant la guerre, elle évolue d'un christianisme identitaire à une foi plus profonde. En 1986, elle dépose les armes puis se voue à une vie spirituelle et de charité.
Chacune de ces femmes combattantes a joué un rôle actif dans la résistance contre des forces oppressives, qu'il s'agisse de colonisateurs, d'envahisseurs ou de régimes politiques perçus comme injustes. Elles font montre d’un courage remarquable, en assumant des rôles traditionnellement masculins dans des contextes de conflit. Certaines d’entre elles possèdent une dimension mystique indéniable. Pour la plupart, leurs actions transcendent leur époque, en inspirant de nombreuses personnes pour combattre à leurs côtés. Un nombre significatif de ces personnalités a connu des fins tragiques, souvent liées à leur engagement, qu'il s'agisse de mort au combat, d'exécution publique, ou de décès en captivité, reflétant les risques et les sacrifices associés à leur lutte. Toutefois, s’il faut garder une caractéristique commune, c’est que sont toutes des femmes, qui sortent de l'ordinaire car elles osent bousculer la société de leur temps.
Pour aller plus loin :
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GANDELIN Nathalie, “La Bouboulina deviendra une héroïne nationale et le symbole de la renaissance de son pays”.
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“Pourquoi Agustina d’Aragon est-elle une héroïne ?”, Choses à savoir - Histoire, mars 2022.
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