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L’Inconnu de la Grande Arche (2025) : l’histoire oubliée d’un grand chantier

Dernière mise à jour : il y a 8 heures

L’Inconnu de la Grande Arche, affiche du film.
L’Inconnu de la Grande Arche, affiche du film.

Un des grands projets d’architecture sous François Mitterrand


Ce que l’on appelle aujourd’hui la Grande Arche de la Défense s’inscrit dans la série des « grandes opérations d’architecture et d'urbanisme » (entre autres, le Grand Louvre ou l’Opéra Bastille), lancées par le président de la République François Mitterrand au début des années 1980. Elle est inaugurée exactement 200 ans après la prise de la Bastille, pour célébrer la Fraternité et renouveler le paysage urbain de Paris. Entre-temps, l’histoire de ce chantier a été pleine de rebondissements, mis en images par le réalisateur Stéphane Demoustier dans L’Inconnu de la Grande Arche, un film adapté du roman-enquête de Laurence Cossé paru en 2016. En 1982, le président Mitterrand organise un concours international d’architecture anonyme pour ériger un monument dans l’axe historique du Louvre et de l’Arc de Triomphe de l’Étoile, à La Défense. L’objectif est de créer un symbole fort, à la fois politique et culturel, visant à moderniser la France en vue du bicentenaire de la Révolution et de l’entrée dans le XXIe siècle. Le choix du lauréat, Johan Otto von Spreckelsen, un architecte danois alors totalement inconnu, provoque la stupeur : même l’ambassade du Danemark à Paris ignore son existence.



L’architecte Otto von Spreckelsen : un idéaliste face à la réalité


Johan Otto von Spreckelsen, né en 1929, diplômé de l’Académie des beaux-arts de Copenhague, était avant tout un professeur d’architecture et un constructeur discret, connu au Danemark pour ses églises au design épuré et symbolique, comme celle d’Esbjerg, dont la forme cubique préfigure celle de la Grande Arche. Son projet pour La Défense, un « cube ouvert », séduit le jury par sa simplicité et sa dimension poétique symbolisant l’espérance. Ce projet, d’une ambition pharaonique, se heurte rapidement à des défis majeurs, notamment en raison de l’inexpérience de Spreckelsen dans la gestion de chantiers d’une telle envergure. Pour pallier ces difficultés, Paul Andreu, architecte expérimenté et constructeur des aéroports de Roissy, est nommé pour l’assister. Le chantier, complexe et novateur, devient le premier en France à utiliser une assistance informatique pour les calculs de structure, reflétant les enjeux technologiques de l’époque. Les contraintes techniques, financières et administratives se multiplient mais Spreckelsen refuse les compromis avec son œuvre. Le conflit entre la vision artistique et les conjonctures remettant en cause la faisabilité du projet devient trop vif pour Spreckelsen, qui démissionne du projet en 1986, en dépit du soutien appuyé fourni par François Mitterrand. Celui-ci paraît insuffisant puisqu’à partir du mois de mars, a lieu la première cohabitation, durant laquelle le gouvernement de droite s’oppose à l’édification du Carrefour international de la communication, destinataire du projet de la Défense. Ainsi, les choix du président de la République pèsent alors moins lourd que les arbitrages opérés par le ministre délégué au Budget, Alain Juppé. Avec le départ de Spreckelsen, le projet de construction est mené à bien par Paul Andreu dans les temps pour son inauguration le 14 juillet 1989.



L’Inconnu de la Grande Arche : une épopée tragi-comique


Le film de Stéphane Demoustier retrace avec densité le portrait de cet architecte relativement méconnu et avec ironie l’aventure de la construction du Cube. En effet, l’intrigue mêle satire politique, drame artistique et thriller bureaucratique, mettant en relief la tension entre l’idéalisme de Spreckelsen (interprété par Claes Bang) et le pragmatisme de Paul Andreu (Swann Arlaud), ainsi que les jeux de pouvoir autour de François Mitterrand (Michel Fau). Le film L'Inconnu de la Grande Arche, présenté à Cannes 2025, interroge sur la création artistique face aux impératifs politiques et budgétaires. Ces éléments entrent en résonance avec l’injonction à travailler à l’économie, contraignant les architectes à revoir à la baisse leurs ambitions créatives, sociales et culturelles. Par ce récit, Demoustier rend hommage à ce monument emblématique mais questionne également les excès du pouvoir et la dépossession de l’artiste, de plus en plus écrasé par ce qu’il nomme « l'œuvre d’une vie ».


La Grande Arche, Wikimedia Commons, avril 2011.
La Grande Arche, Wikimedia Commons, avril 2011.

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