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Bonnie et Clyde : mythe romancé ou romance mythifiée ?

Dernière mise à jour : il y a 10 heures

L’annonce par Rockstar de la sortie le 26 mai 2026 du nouvel opus de la série Grand Theft Auto constitue déjà un événement en soi, tant la licence est un phénomène marketing mondial. Située à Vice City, l’histoire du jeu vidéo GTA VI permettra d’incarner Jason Duvall et Lucia Caminos, un couple inspiré de Bonnie et Clyde, sans doute l’un des plus célèbres duos criminels de l’histoire des États-Unis. Leur histoire, marquée par une série de braquages et de meurtres dans les années 1930, a captivé l'imagination du public et a été immortalisée dans de nombreux livres, films et chansons. Empreinte de mythes romancés, la compréhension de cette idylle tragique hors-norme permet également d’aborder le contexte social et économique heurté des États-Unis des années 1930.



Bonnie Elizabeth Parker et Clyde Chestnut Barrow naissent tous deux au Texas dans les années 1909-1910. Les deux sont issus de classes populaires, aux trajectoires a priori divergentes. Pour Bonnie, la mort de son père alors qu’elle est âgée de quatre ans représente un moment charnière pour les difficultés économiques que rencontre sa famille dans la banlieue industrielle de Dallas. Cela n’empêche pas la jeune Bonnie d’être une étudiante brillante, studieuse et douée en écriture. La famille Barrow, quant à elle, vit dans un dénuement plus grand encore, caractéristique des vastes mouvements de migration des zones rurales vers les bidonvilles de West Dallas au début des années 1920. Clyde, le cinquième de leurs enfants, commet des vols de voitures et des cambriolages dès son adolescence, entre 1926 et 1929. Au même moment, Bonnie arrête l’école et épouse Roy Thornton, son amour de jeunesse mais qui se révèle être un mari absent, qui finit incarcéré pour braquage de banque. Dans son journal personnel, Bonnie dépeint sa solitude, ses désirs d’ailleurs, son impatience et son goût pour les arts. Au début de l’année 1930, elle rencontre Clyde pour qui l’attirance est immédiate, mais lui aussi est emprisonné quelques semaines plus tard. Elle choisit de l’aider à s’évader de la prison en lui fournissant un pistolet, mais il est repris peu après, et enfermé dans l’est du Texas à Eastham. Cette unité pénitentiaire agricole voit le premier meurtre de Clyde, qui bat à mort un détenu qui l’avait régulièrement agressé sexuellement. Un autre prisonnier, déjà condamné à perpétuité, endosse la responsabilité de cet homicide. Pour éviter les travaux forcés dans les champs, Clyde fait amputer deux de ses orteils, ce qui le rend boiteux à vie. Toutefois, à son insu, sa mère avait réussi à obtenir sa libération conditionnelle et il peut ainsi s’en sortir en février 1932.


Photographie du couple Bonnie et Clyde, 1932-1934.
Photographie du couple Bonnie et Clyde, 1932-1934.

Le passage en prison marque considérablement Clyde, avide de vengeance et de destruction. Avec quelques-uns de ses proches, il entreprend une série de braquages de petits commerces et de stations-service. Son objectif initial est de collecter assez d’argent et de force de frappe pour lancer une attaque contre la prison d’Eastham. Bonnie est interpellée mais relâchée, faute de preuves de son implication. Rapidement, les deux amants et leur gang gagnent une réputation dans le sud des États-Unis, à l’issue de braquages sanglants, entraînant la mort d’une dizaine de personnes, principalement des policiers. Le modus operandi de Bonnie et Clyde consiste à frapper rapidement et à s’enfuir avec le butin, le plus souvent en utilisant des voitures volées, et en recourant à la violence envers les forces de l’ordre et les civils. De nombreux braquages leur sont attribués abusivement, amplifiant encore leur notoriété, quasi mythique. En avril 1933, lors d’une halte dans le Missouri, la police intercepte les criminels, qui prennent la fuite mais laissent derrière eux de nombreux objets et des photographies, qui font les choux gras de la presse locale. Tour à tour présentés comme des Robins des bois contemporains, comme de piteux malfrats en cavale (des “rats humains”), comme des icônes rebelles et libertaires ridiculisant les autorités judiciaires et policières, le gang autour de Bonnie et Clyde va devenir activement traqué par les forces de l’ordre. 


Avis de recherche de la Division of Investigation signé par J. Edgar Hoover, mai 1934.
Avis de recherche de la Division of Investigation signé par J. Edgar Hoover, mai 1934.

De manière générale, à partir de 1933, une impitoyable guerre contre le crime est menée au niveau fédéral par J. Edgar Hoover du United States Bureau of Investigation, ancêtre du FBI, contre les gangsters individuels et les groupes mafieux. L’enlèvement de Charles Lindbergh puis le massacre de Kansas City représentent un tournant dans la politique répressive déployée par les autorités états-uniennes. La désignation “d’ennemis publics” conduit à mettre en branle les polices des différents États pour mettre un terme à l’augmentation vertigineuse de la criminalité dans le contexte des contrecoups de la Grande Dépression depuis le début des années 1930. L’étau se resserre pour le couple maudit, Bonnie est grièvement blessée à la suite d’un accident de voiture. En mai 1934, un Texas Ranger du nom de Frank Hamer tend une embuscade en Louisiane au couple. Ils sont abattus dans une fusillade qui transperce le véhicule et les corps des deux amants. Ceux-ci sont exposés à la vue du public, attirant de nombreux curieux depuis tout le pays. 


La voiture de Bonnie et Clyde criblée de balles après l’embuscade, photographie prise par les enquêteurs du Bureau of Investigation, mai 1934.
La voiture de Bonnie et Clyde criblée de balles après l’embuscade, photographie prise par les enquêteurs du Bureau of Investigation, mai 1934.

Bonnie et Clyde représentent un archétype de figures criminelles ambivalentes, à la fois maîtres de leur rébellion, et esclaves emportés par leur destin tragique. Leur passion est devenue une obsession, les transformant en hors-la-loi redoutés. Le vol, la cavale et la mort ont marqué leur destinée hors normes. Bien que leurs faits d'armes soient devenus emblématiques de la culture populaire, leurs conditions de vie et leur fin témoignent des difficultés croissantes pour garantir la prospérité dans la société états-unienne des années 1930, gangrenée par le crime et frappée par la crise économique.



Pour aller plus loin :


MARÉCHAUX Laurent, Hors la loi : Anarchistes, illégalistes, as de la gâchette… Ils ont choisi la liberté, Paris, Arthaud, 2018.


STRICKLAND Kristi, “The Life and Crimes of Bonnie Parker: A Legendary Outlaw”, Texas State Historical Association, mai 2024.


La fin de Bonnie & Clyde : le couple maudit tué en 1934”, The Chicago Tribune, RetroNews, octobre 2024.

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