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« La situation tendue et de mutation que nous vivons actuellement rend plus que jamais nécessaire la réflexion historique au quotidien » - Stefano Simiz

23/03/2022
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Pouvez-vous présenter votre parcours ainsi que les principaux axes de réflexions et de recherches que vous avez menés ?

J'ai choisi tardivement de faire de très heureuses études d'Histoire qui m'ont conduit d'abord à passer l'Agrégation et le Capes, puis à mener des activités de recherche en parallèle. Mes tous premiers sujets et champs d'intérêt ont porté sur l'histoire religieuse d'Ancien régime, en particulier sur l'histoire des pratiques et des dévotions structurant le catholicisme, notamment en milieu urbain, très documenté. Pour parler plus clairement j'ai étudié les confréries modernes, les dévotions et écrits religieux en ville, puis la prédication (HDR). Après quelques années d'exercice en tant que professeur en lycée, j'ai intégré le Supérieur en tant qu'ATER, y suis demeuré comme PRAG avant d'être élu Maitre de conférences puis Professeur à l'Université de Lorraine, poste que j'occupe encore actuellement. Mon insertion en Lorraine, après des années champenoises, a confirmé un ancrage personnel et historique dans la France de l'Est, avec des perspectives qui se sont peu à peu ouvertes aux dimensions politique, culturelle et patrimoniale. Je réside à Nancy depuis ma nomination.

Selon vous, comment pourrait-on démocratiser l'Histoire (en tant que science historique) auprès d'un public large ? Et pourquoi le faire ?

La situation tendue et de mutation que nous vivons actuellement (en 2022) rend plus que jamais nécessaire la réflexion historique au quotidien. Notre discipline plait globalement à tout le monde, car, d'une manière ou d'une autre, nous avons tous un rapport à l'histoire, apaisé ou plus passionnel voire conflictuel et/ou mémoriel. C'est ainsi. Le "large public" est touché par cette matière, mais trop peu par le regard apporté par les universitaires, jugés moins accessibles car utilisant un vocabulaire et des concepts d'abord compréhensibles par eux-mêmes, peinant à "vulgariser" leurs connaissances. Or, quelles que que soient les immenses qualités des autres acteurs de l'Histoire, les amateurs et érudits, les entrepreneurs publics du spectacle ou de la mise en récit médiatique de l'histoire, les dirigeants politiques aussi, ils n'abordent pas notre discipline et science avec toute la rigueur voulue ou souhaitable. Tout le monde peut le constater. On rend souvent un verdict de "vraisemblable" ou "d'avéré", voire on utilise des expressions péremptoires telles "l'Histoire jugera (ou juge)" à propos de situations qui ne sont pas si clairement établies qu'on veut bien le dire. Pas besoin de traiter des sujets sensibles et éminemment importants comme la Guerre d'Algérie ou Vichy - thèmes largement portés par les programmes scolaires et qui font parler à tout niveau - pour sentir le poids des querelles d'interprétation. En touchant un public large, les historiens de métier pourraient contribuer, chacun dans leur domaine et spécialités, même moins exposés, à parler du passé comme d'un élément capable d'expliquer et de pacifier notre relation au présent, notre préparation du futur. C'est une conviction forte à titre personnel.

Dans quelle mesure la réflexion universitaire permet de confronter la réalité historique et les représentations ?

Cette question prolonge un peu la précédente. En matière d'histoire religieuse, comme dans tous les autres domaines d'études, les raccourcis, les ignorances et les débats sont légion. Or, le cadre universitaire de la recherche permet de les dépasser par des partages, des rencontres, des publications entre personnes qui loin des préjugés et des jugements rapides, ont un patrimoine commun : les sources et les archives. Etudier le catholicisme permet clairement de confronter réalités d'hier et actuelles avec représentations passées et d'aujourd'hui, en allant au-delà des procès en diabolisation ou en béatification. Un exposé objectif des faits doit suffire à exprimer par lui-même des leçons déjà bien difficiles à tirer. L'historien du religieux doit être en dialogue avec ses collègues spécialistes de domaines ou de confessions différentes, mais aussi avec ceux qui observent l'objet religieux de l'extérieur, voire de loin. Chacun gagne à partager sans vouloir "convertir" l'autre. J'appartiens, ainsi que mon équipe du laboratoire CRULH, à un GIS consacré aux religions, textes et pratiques, cadre pluridisciplinaire et interdisciplinaire de travail. Les activités qu'il anime permettent des partages aussi inédits que souhaitables entre acteurs de la recherche qui travaillent souvent en ignorant le labeur de leur voisin et collègue, parfois - et ce n'est jamais bon - en choisissant par commodité leurs interlocuteurs au détriment d'autres qui pourraient remettre leurs approches en questionnement. La critique vaut dans tous les sens bien sûr ! C'est sur le fond comme dans la forme une démarche œcuménique.

Vous participez aux Nocturnes de l'Histoire qui auront lieu le 30 mars à la Bibliothèque Stanislas de Nancy, de quoi allez-vous parler afin de donner envie aux gens de venir vous écouter ?

Le format des Nocturnes est inédit pour moi et représente un défi, d'autant qu'il ne porte pas sur mes domaines de prédilection habituels. Parler en 10-15 minutes d'un sujet à cheval entre pratique de l'histoire et représentation de l'Histoire n'est en rien un chemin reposant. En choisissant de parler du rapport entre histoire et fiction dans le cadre restreint des romans policiers historiques, j'évoque non seulement un domaine de lecture qui m'est devenu très familier et m'interroge, mais espère aussi amener tous les lecteurs à mesurer quelle part la "vraie" histoire occupe dans les oeuvres romanesques. Plus important que ma prise de parole, et celle de mes camarades de jeu de cette soirée, ou le plaisir non feint de disposer d'une tribune publique quelques instants, les partages avec le public sont le premier objectif recherché. On l'espère nombreux et curieux, surtout dans ce lieu de culture de l'imprimé qu'est une Bibliothèque municipale !

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