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Le Brexit

23/03/2020

En ce contexte de pandémie mondiale, on peut s’interroger sur le Brexit. Cette situation historique, dont on ne parle que trop, dure maintenant depuis bientôt 4 ans. Mais savez-vous vraiment quand il a eu lieu et dans quelles mesures ? Retour sur cette chronologie à suspens et pleine de multiples rebondissements. En sachant qu’il y a différents avis comme différents arguments, le but de cet article n’est pas d’en faire l’apologie ou d’étaler un discours défendant ou accusant le Brexit, mais bien de mettre en lumière les événements. En effet, à travers cet article, nous allons tenter d’y voir un peu plus clair et de remettre un peu d'ordre pour ceux qui n'auraient pas tout suivi.

Premièrement, pourquoi et comment en-est-on arrivé au Brexit ?

 

            La crise des Subprimes en 2008 et la crise de la dette en 2010 secouent le pays. La politique d’austérité mise en place par David Cameron (Premier ministre du Royaume Uni de 2010 à 2016) ne plaît pas à tous. Ces événements permettent à un autre personnage, Nigel Farage, leader du parti d’extrême droite UKIP et europhobe prononcé, d’émerger sur la scène nationale en remportant le scrutin européen de 2014. Cette idée de Brexit est donc déjà bien ancrée dans le paysage politique.

            Le 23 juin 2016, un référendum est posé aux anglais. Le résultat a beau être assez serré (51,9% choisissent de quitter l'Union Européenne), les destins du Royaume Uni et de l’Europe basculent. C’est pourquoi, en juillet 2016, le Premier ministre Cameron laisse sa place à Theresa May, car il estime avoir raté son pari : son but n’était pas que le « oui » l’emporte. Les parlementaires anglais et l’Union Européenne (UE) n’arrivent pas à trouver un accord. Le parlement est clivé. Les Hard Brexiters veulent un divorce total, tandis que l’opposition, qui souhaite rester dans l’UE, tente de négocier un accord assez avantageux. Un bras de fer s’installe entre les deux protagonistes que sont May et Michel Barnier, négociateur en chef pour l'UE. Cela n’a pas abouti à un accord concret. Ce fameux Brexit aurait dû avoir lieu le vendredi 29 mars 2019, mais rien ne s’est passé, ni en juin 2019, ni même en octobre 2019. La Première ministre démissionne en mai 2019 et des législatives anticipées ont lieu. En décembre 2019, Boris Johnson, conservateur et grand europhobe, est élu avec une majorité absolue. Celui qui est surnommé « BoJo » n’hésite pas à menacer d’un No-Deal : son coup de poker est réussi. La décision, qui a été reportée en janvier 2020, est appliquée le 31 janvier 2020, et le Royaume Uni sort ainsi officiellement de l’Union Européenne.

Pourquoi le Brexit fut-il sans cesse repoussé ?

 

            Pour sortir de l’UE, l’accord de sortie doit être adopté à la fois par Bruxelles et par les parlementaires britanniques. En 2017, les législatives anticipées que Theresa May avait souhaitées pour renforcer sa majorité l’ont affaiblie. Pour maintenir sa majorité, elle a fait alliance avec le DUP, un parti nord irlandais qui n’a qu’une idée en tête : sortir de l’UE, peu importe la présence d’accord ou non (c’est-à-dire un No-Deal qui représenterait un flou pour l’avenir du pays).

            Un premier accord, qui fixait le coût de la sortie du Royaume-Uni à 40 milliards d'euros, est rejeté en novembre 2018. Le Royaume-Uni s'est en effet engagé dans le budget européen 2014-2020, ce qui explique ce coût pharamineux. Ce premier accord réglait le statut des britanniques dans l'Union Européenne et des européens au Royaume Uni, et abordait la question géopolitique de la frontière entre Irlande et Irlande du Nord. Les accords de paix de 1998 ayant mis fin au conflit armé, il n’y a désormais plus de frontière physique, et les populations circulent librement, car la République d’Irlande et le Royaume-Uni sont tous deux membres de l’espace Schengen. Rétablir une frontière menacerait la paix, mais l'inverse pourrait faire craindre un développement du marché noir. Les députés étant en désaccord sur ces quelques points, entre autres, ils ont donc rejeté par trois fois les textes proposés par Theresa May, les 15 janvier, 12 mars et 29 mars 2019. Son impuissance est due à une alliance entre les Anti-Brexiters et des Pro-Brexiters, qui souhaitent un autre accord que celui proposé.

            S'ajoute à cette situation un soucis supplémentaire : Bruxelles ne souhaite plus renégocier l’accord qui divise Londres. Le gouvernement de May n’a plus la main et c’est le parlement qui dirige le pays. Elle est pénalisée suite au Fixed-Term Parliament Act : une loi qui l'empêche de fixer à sa guise la date de tenue d'élections. Après sa démission le 24 mai 2019, Johnson, à la tête du gouvernement, doit composer avec une loi anti « no-deal » adoptée le 4 septembre 2019 par les députés : la fameuse suspension de session parlementaire. Mais le Premier ministre a le vent en poupe, et la renégociation de l’accord de sortie de l’UE espérée par Theresa MAY a finalement lieu le 17 octobre 2019. Un nouveau report est octroyé au Royaume Uni et fixé au 31 janvier 2020, ou avant si le Parlement approuve l’accord obtenu entre Bruxelles et Johnson. Dans la foulée, il propose la tenue des législatives anticipées pour le 12 décembre 2019.

La frontière irlandaise, un sujet de discorde

Tout tourne autour de cette question de l’Irlande. C’est un des points épineux qui a empêché l’entente entre May et l’UE. La remise d’une frontière physique entre la République d’Irlande, membre de l’UE, et l’Irlande du Nord, apparentée au Royaume Uni, devrait être appliquée comme une des conséquences du Brexit. Les accords de paix de 1998, qui avaient mis fin à plus de trente ans de violence identitaires, sont déjà fragiles, et les migrations pendulaires poseraient un problème de laisser-passer quotidien. Il faut mentionner aussi que 57 % des exportations nord-irlandaises sont envoyées dans l'UE, dont 21 % vers la République d'Irlande. L’Irlande du Nord, qui constitue en quelque sorte le maillon faible du Royaume Uni, est vulnérable sur les plans économique, social et politique. De plus, son morcellement politique et ses divisions ethno-nationales rendent sa défense de ses intérêts beaucoup moins efficace qu’en Écosse. La seule chose qu’a promis Londres est de ne pas rétablir de frontière dure, c’est-à-dire des contrôles physiques entre les deux Irlande. Le contexte historique a posé bien des soucis autrefois, et le but n’est pas de réanimer cette violence qui a déchiré la population. Pour tenter d’apaiser la situation, l’UE a proposé un backstop : l’Irlande du Nord resterait temporairement dans le marché unique dans le but de garder la frontière ouverte, jusqu’à une autre solution.

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L’accord négocié entre Boris Johnson et l’UE implique une toute autre solution. Le Royaume-Uni sortirait de l'union douanière de l'UE après la période de transition, le but étant de reprendre rapidement la main sur sa politique commerciale. En ce qui concerne l’Irlande du Nord, elle resterait alignée sur un ensemble limité de règles relatives au marché unique de l'UE, notamment les règles sanitaires, les règles relatives aux aides d'Etat, ou encore la TVA. Tout en faisant partie du territoire douanier britannique, l'Irlande du Nord continuerait à appliquer le code des douanes européen pour les produits qui entreront sur son territoire et qui "risqueraient", par la suite, d'être introduits sur le marché européen. Ainsi, il n'y aurait pas de contrôle nécessaire entre les deux Irlande, mais sur les produits importés en Irlande du Nord depuis le Royaume Uni, ou des pays tiers, qui auront pour but de déferler sur le marché européen. L’Europe a concédé un droit de regard à l'Assemblée d'Irlande du Nord. En effet, après la période de transition, les députés d'Irlande du Nord se prononceront sur le dispositif une fois tous les quatre ans. Si la suspension de ce régime particulier est demandée, cela cesserait de s'appliquer deux ans plus tard... le temps de trouver une autre solution pour préserver la libre circulation entre les deux Irlande.

Des négociations brûlantes qui démarrent

 

            Désormais, le Brexit est bel et bien acté. Les négociations ne portent plus sur quand, ni comment, mais sur la question du respect de certaines directives européennes. Le 1er février 2020 s’est ouverte une période dite « de transition », qui pourrait se terminer le 31 décembre 2020, mais qui pourrait également être étendue d'un ou deux ans. Actuellement, le droit de l'UE s'applique au Royaume-Uni, dans l’optique de l’application de l’accord de sortie, mais aussi afin d’anticiper la future relation entre l’UE et le Royaume Uni, qui n’a pas encore été clairement définie. Ni l’un ni l’autre ne veut abandonner ses exigences : pour Bruxelles, sans respect des normes européennes, il n'y aura pas d’accès au marché financier de l’UE. Pour Johnson, le Royaume Uni doit reprendre la maîtrise de ses eaux, ne doit pas dépendre de la justice européenne, et doit garder la main sur la production de ses lois et de ses réglementations. Le gouvernement britannique menace de quitter l’UE sans accord si la structure d’un accord en mesure d’aboutir rapidement n’est pas atteinte. Ce second round de négociations s’annonce chargé. Au menu : pêche, transport, énergie, mais aussi accord commercial et faible concurrence. Le dessein d’un traité de libre-échange instaurant zéro tarif et zéro quota se profile, mais semble utopique pour l’instant. La crise du coronavirus a eu pour conséquence l’annulation des négociations en face à face qui devaient avoir lieu ce mercredi 18 mars. L’éventualité de vidéoconférence n’est pas exclue.

Ounaïssa BENKASSEM

Bibliographie :

 

Fabien JEANNIER, « Le Brexit et la frontière irlandaise », site Géoconfluences, le 22.01.2019, consulté le 19.03.2020 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/brexit-frontiere-irlandaise

 

Protocole de l’UE, « Revised Protocol on Ireland and Northern Ireland included in the Withdrawal Agreement », 17.10.2019, consulté le 19.03.2020 https://ec.europa.eu/commission/publications/revised-protocol-ireland-and-northern-ireland-included-withdrawal-agreement_en

 

Pierre TROUVE, « L’histoire du Brexit, épisode 3/3 : comment Boris Johnson a réussi son coup de poker », vidéo pour la chaîne Youtube Le Monde, le 31.01.2020 consulté le 17.03.2020 https://www.youtube.com/watch?v=ZD0eJwLtGhk

 

Emilio Casalicchio, « Coronavirus kills Brexit negotiations — for now », Politico, le 17.03.2020, consulté le 20.03.2020 https://www.politico.eu/article/coronavirus-kills-brexit-negotiations-for-now/

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