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Good COP, bad COP ?

04/11/2021

Au moment où se tient la 26e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (ou Conférence des Parties, dite COP 26) à Glasgow, un rendez-vous international crucial face à la crise environnementale, retraçons les évolutions des prises de conscience et de décision pour l’écologie en politique. Dès la fin des années 1960, le Club de Rome réunit des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires et des industriels pour aborder les enjeux du développement. Ce groupe de réflexion se fait connaître en 1972 en publiant « Les limites à la croissance », appelé le rapport Meadows. Ce texte vise à représenter les conséquences de la croissance des activités humaines, au sujet de l’épuisement des ressources, des pollutions multiples et de potentiels effets climatiques non-maîtrisés. La principale conclusion réside dans le fait que la croissance matérielle perpétuelle et exponentielle dans un monde fini est une illusion, qui risque de conduire à un effondrement de la civilisation industrielle. Ce rapport, parfois critiqué pour ne pas prendre suffisamment en compte les spécificités des besoins des pays en développement, a connu un certain retentissement médiatique mais ne perce pas immédiatement dans l’agenda politique, davantage préoccupé par l’entrée dans un cycle de crises économiques. Cependant, la succession des crises pétrolières (en 1973 et en 1979) et des catastrophes environnementales et industrielles (mentionnons les accidents de Seveso, de Three Mile Island ou encore de l’Amoco Cadiz) fait que la relation entre développement et environnement s’ancre dans les mentalités.

 

Dès les années 1980, les modélisations du climat et de la biodiversité gagnent en précision et les scientifiques (comme le météorologiste suédois Bert Bolin) tentent de sensibiliser les décideurs politiques à l’ampleur des enjeux. Ainsi, pour évaluer plus finement ces changements, est créé le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat en novembre 1988, à l’initiative du G7 et de l’Organisation des Nations Unies. Un an plus tôt, la Première Ministre norvégienne Gro Harlem Brundtland avait publié un rapport intitulé « Notre avenir à tous », sous l’égide des Nations Unies, qui établit le cadre du développement soutenable (expression traduite de « sustainable development »). Elle en définit les principes comme la capacité de répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre celle des générations futures de répondre aux leurs. Ce texte met la priorité sur le fait de couvrir les besoins des plus démunis et insiste sur les limitations au développement. Ce texte est à l’origine d’un nouveau cadre normatif, par exemple à l’échelle de la nation française : la notion de développement durable est vue comme la conciliation de la protection et la mise en valeur de l'environnement, du développement économique et du progrès social (dans l’article 6 de la Charte de l’Environnement, texte de valeur constitutionnelle promulgué en mars 2005).

Le rapport Brundtland a servi de document de référence pour le Sommet de la Terre, organisé en juin 1992 à Rio de Janeiro. Réunissant de nombreux acteurs (189 pays y sont représentés), cette conférence conduit à l’adoption de plusieurs textes fondateurs, notamment un programme d’action global pour le XXIe siècle, dénommé Agenda 21 et décliné dans l’ensemble des collectivités territoriales. D’autre part, l’adoption de trois conventions est également au cœur des discussions : la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur la lutte contre la désertification. La grande majorité des pays signe ainsi la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement et s’engage à agir. Dès lors, les pays ayant adopté cette convention se retrouvent chaque année dans la Conférence des Parties pour négocier des solutions pour lutter contre les changements climatiques. Les États ne sont pas les seuls à prendre place lors de ces discussions : ils sont accompagnés par de nombreux acteurs comme des Organisations Non Gouvernementales, des entreprises, des collectivités territoriales. Les Conférences des Parties sont ainsi de grands moments de décision politique internationale, précédés par d’âpres négociations entre les parties prenantes.

 

La première COP a lieu à Berlin en 1995 et acte surtout l’opposition structurelle entre pays développés et pays en développement. Reconnaissant par la suite que « les changements climatiques représentent un danger pour l’humanité », la Conférence des Parties de Kyoto établit en 1997 un protocole contraignant visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % en quinze ans. Son adoption définitive fait l’objet d’un long chemin de croix puisqu’il est contesté par la principale puissance émettrice de gaz à effet de serre, les États-Unis. Ainsi, à Rio de Janeiro, le président George H. Bush justifiait sa position par le fait que « le mode de vie américain n’est pas négociable » ; les présidents suivants déploraient que les obligations contraignantes ne s’appliquent pas à la Chine, puissance émergente. Ces conflits perdurent pendant des années et conduisent à un enchaînement de déceptions lors des Conférences des Parties, en particulier lors de la COP15 de Copenhague en 2009. Un tournant est opéré lors de la COP21, qui aboutit à l’adoption d’un « accord universel » historique, remplaçant le protocole de Kyoto. L’Accord de Paris prévoit des mécanismes pour la mise en œuvre d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, dans le but de limiter l’augmentation de la température au-dessous de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Aujourd’hui, il est trop tôt pour dresser le bilan de l’Accord de Paris, mais les engagements internationaux et les politiques nationales semblent encore trop timides pour mener à bien l’ambition de la décision commune. Les États sont amenés à revoir leurs engagements à la hausse lors de la COP26 de Glasgow, notamment en ce qui concerne les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu global consiste à renouer la confiance entre les décideurs politiques et les citoyens du monde entier, pour que chacun puisse « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Pierre SUAIRE

Sources

- BAÏETTO Thomas, SCIGACZ Marie-Adélaïde. «  COP26 : où en est l'accord de Paris sur le climat, six ans après sa signature ? », France Info, 1er novembre 2021.

- DESCAMPS Philippe. « En 1972, l’avertissement du Club de Rome », Manière de voir, octobre 2019

- GARRIC Audrey. « La COP26, une conférence cruciale face à la crise climatique », Le Monde, 31 octobre 2021

- JACQUEMOND Louis-Pascal.« Gro Harlem Brundtland ou l’invention du "développement durable" », Dynamiques environnementales, 39-40 | 2017, 254-265

- JÉGOU Anne. « Les géographes français face au développement durable », L'Information géographique, vol. 71, no. 3, 2007, pp. 6-18

- « Rio (Conférence, traité) », Géoconfluences, novembre 2009

- TELLIER Maxime. « Il était une fois la COP1, la première conférence de l'ONU sur le climat », France Culture, 2 décembre 2018

- « 2 degrés avant la fin du monde », vidéo de #DATAGUEULE, 16 novembre 2015

- « Paris (Accord de), 21e Conférence des parties (COP 21) », Géoconfluences, décembre 2015

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