« Diffuser la vérité historique est très important pour contrer les manipulations politiques et idéologiques » - Christelle Loubet
24/03/2022
Pouvez-vous présenter votre parcours ainsi que les principaux axes de réflexions et de recherches que vous avez menés ?
Auvergnate d’origine, j’ai passé le CAPES et l’Agrégation à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand après avoir soutenu une maîtrise sur les Actes des comtes et dauphins d’Auvergne (fin XIIe-fin XIIIe siècle), sous la direction de Jean-Luc Fray. Nommée dans l’académie de Lille, j’ai enseigné au total huit année dans le secondaire, comme titulaire et remplaçante. J’ai aussi exercé en tant qu’ATER dans les universités de Lille 3 et Paris 1-Panthéon-Sorbonne. En 2009, j’ai soutenu ma thèse, menée sous la direction de Mme Claude Gauvard, consacrée au gouvernement de la principauté d’Artois entre 1302 et 1329. En 2011, j’ai été élue maître de conférences à l’Université de Nancy II, devenue depuis Université de Lorraine. Je poursuis actuellemement mes recherches sur l’histoire de l’Artois et du royaume de France au XIVe siècle tout en travaillant sur divers projets portant sur l’histoire lorraine.
Selon vous, comment pourrait-on démocratiser l'Histoire (en tant que science historique) auprès d'un public large ? Et pourquoi le faire ?
Les nouveaux médias sont de formidables outils de médiation, en particulier pour l’histoire, qui permettent de toucher un public très large. Il faudrait que les historiens se saisissent encore plus largement de ces nouveaux outils, mais il n’est pas toujours aisé de diffuser des idées, des notions parfois complexes à un public moins averti sans trahir le propos. Cela implique de maîtriser des codes, des supports, qui ne sont pas ceux de la recherche universitaire traditionnelle.
Diffuser la vérité historique est très important pour contrer les manipulations politiques et idéologiques, comme nous le rappellent douloureusement l’actualité européenne ou les propos de certains candidats à la présidence française. Georges Santayana écrivit fort justement dans La vie de la Raison (1905-1906) que « Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter. »
Dans quelle mesure la réflexion universitaire permet de confronter la réalité historique et les représentations ?
Le succès de la fantasy (BD, séries télévisées), qui fait appel à des références évoquant le Moyen Âge dans l’imaginaire collectif, contribue à véhiculer une image déformée de l’époque médiévale. La confrontation à la réalité historique, transmise par les sources, est alors essentielle pour déconstruire cette image d’un Moyen Âge mythique et fantasmé.
Vous participez aux Nocturnes de l'Histoire qui auront lieu le 30 mars à la Bibliothèque Stanislas de Nancy, de quoi allez-vous parler afin de donner envie aux gens de venir vous écouter ?
Les Rois maudits de Maurice Druon et leurs adaptations télévisées ont marqué l’imaginaire de nombre d’entre nous. Ils ont même inspiré George R.R. Martin (A Song of Ice and Fire) comme il le confiait dans The Guardian, en 2013 : « Les Rois Maudits ont tout : des rois de fer et des reines étranglées, des batailles et des trahisons, des mensonges et de la luxure, de la tromperie, des rivalités familiales, la malédiction des Templiers, des bébés échangés à la naissance, des louves, du péché et des épées, le destin tragique d'une grande dynastie ... tout cela (ou presque) directement sorti des pages de l'Histoire. Croyez-moi, les Starks et les Lannisters n'ont rien à envier aux Capétiens et aux Plantagenêts. »
Je reviendrai le 30 mars sur la supposée malédiction lancée depuis son bûcher par Jacques de Molay, dernier Grand Maître des Templiers, que la fin des Capétiens directs sembla accréditer. J’en expliquerai la genèse et le succès à la lumière du contexte historique.